Métabolisme du randonneur

LES MÉTABOLISMES DU SPORTIF ET DU RANDONNEUR EN PARTICULIER

Tout sport demande un effort physique. Dans la randonnée, c’est un effort modéré mais long, de 4 à 8 heures. Avec cependant des « pointes », dans les montées par exemple, et particulièrement dans la marche en groupe quand on ne peut pas maîtriser son rythme.
Cet effort demande une Énergie estimée à 4 kcal/kg/heure sur le plat et à 6 kcal/kg/h en montagne ou en Gi­ronde dans les longues montées type Entre Deux Mers. Le poids s’entend équipement compris. Par exemple, une femme de 65 kg, son sac à dos et des bons souliers de marche pèse 70 kg. Dès lors, pour une sortie le dimanche de 10 à 16 h : 4x70x6 h = 1680 kcal, en plus de son métabolisme basal de 1500 kcal environ, soit un total de 3150 kcal environ pour les 24 h.
Il va falloir puiser l’énergie nécessaire dans ses réserves qui sont de 2 types : le glycogène et les graisses. Le glycogène est la forme de stockage du glucose et il est réparti dans le foie et surtout dans les muscles. Nous en disposons pour 1500 à 2000 kcal maximum soit 7,14 h d’autonomie max. pour notre randonneuse de 70 kg sur plat. (2000:70:4).
Par contre les graisses sont une réserve presque illimitée. Tout le monde, même les sujets maigres, a 15% de son poids en graisse ! Soit 9,75 kg chez notre dame de 65 kg = 87750 kca1 de réserve (1 g de lipides = 9 kcal) = 313 heures de marche sur le plat = 13 jours non stop, si le reste du corps lui permet !
Comment l’organisme va utiliser ses stocks ? Il y a 2 grandes voies métaboliques : aérobie et anaérobie. La voie anaérobie, comme son nom l’indique, fonctionne sans oxygène et directement avec le glycogène qui est à libéra­tion immédiate. Sa réserve est faible et donc cette voie sera réservée aux efforts ponctuels, intenses, là où le cœur accélère au-delà de 75% et jusqu’à 100% de sa fréquence maximale.
La voie aérobie utilise les graisses qu’elle brûle avec de l’oxygène. C’est la voie préférentielle de l’effort modéré et régulier de la randonnée, en vitesse de croisière. C’est elle qui a permis à notre dame de marcher13 jours et 13 nuits, sur le plat et à condition de ne pas dépasser le 70% de sa fréquence cardiaque maximale.
Celle-ci, vous le savez, est de 220 – l’âge en année soit 160 pulsations par minute si notre dame a 60 ans, ce qui est la moyenne d’âge des 150 000 licenciés de notre fédération. A 70%, on n’est pas essoufflé, on peut parler en marchant. Mais le seul moyen précis et permanent de mesure est le cardiofréquencemètre (60 €).
Comment ça marche ? Comment s’articulent les 2 voies ? Comme les nouveaux moteurs hybride d’automobile, selon qu’on est en vitesse de croisière ou en gros effort. Sur le plat et à une vitesse raisonnable, ce sera la voie aérobie (= l’électricité). Au démarrage, dans les côtes et pour tout effort particulier, on passe en anaérobie (= l’essence). Bien entendu, nous choisissons le terrain et d’aller plus ou moins vite, mais c’est le disque dur de l’organisme qui décide de la voie métabolique.
Il faut maintenant introduire une dernière notion très importante. La voie aérobie est à l’évidence la meilleure pour le randonneur mais elle ne s’enclenche pas instantanément comme la voie anaérobie. Le matin au démarrage, il faut 10 minutes pour qu’elle se mette en place.
Or, en même temps, l’organisme n’est pas prêt à passer de l’état de repos à l’état actif de marche. Certes le cœur et les poumons répondent de suite, dans les 20 secondes, en accélérant leurs fréquences pour distribuer un maximum de sang et d’oxygène aux muscles demandeurs. Mais les vaisseaux périphériques ne peuvent pas ab­sorber de suite cet excédent de sang, ils vont mettre 20 minutes (60 fois plus) à adapter leur calibre. C’est la phase de vasodilatation, à la fin de laquelle il y a enfin équilibre cœur des muscles et où l’effort devient facile. C’est le « 2ème souffle ».
La 1ère demi-heure est donc critique. Il faut impérativement la respecter par un rythme lent, même s’il fait frais et qu’on a envie de se réchauffer, sous peine de contracter des dettes qui se paieront longtemps, voire toute la journée.
En conclusion, la randonnée pourrait se résumer à la maxime : consommer moins pour marcher plus . Fonctionner le plus possible en aérobie. Réserver l’anaérobie à l’indispensable. Il faut économiser le glycogène, et surtout dans les trekkings où son stock risque d’être insuffisant au 3ème jour, traditionnellement allégé pour cette rai-son. Enfin tout fonctionne à l’eau : voir un prochain balises 33.

Roger Vicens, Médecin du CDRP33